Le vampire de Munch
avril 13, 2012 § 1 commentaire
Nous avons mis en évidence l’aspect charnel de la femme rousse. Il convient à présent d’analyser une oeuvre de Munch, le Vampire.
Munch, Le vampire, 1893-4, 91×109 cm, huile sur toile
Munch est un peintre de la fin du XIXème siècle. Le dossier pédagogique de l’exposition Edvard Munch, L’oeil moderne 1900-1944 qui a eu lieu au Centre Pompidou (Paris) en fin d’année 2011, permet une vue d’ensemble sur l’oeuvre de l’artiste. Ainsi Norbert Godon (artiste plasticien de formation) nous explique que l’artiste ne se cantonne pas au simple domaine de la peinture mais utilise aussi la photographie, le cinéma etc. Cette grande rétrospective a mis notamment en lumière le travail de répétition chez l’artiste. Le vampire y a été exposé, et il apparaît que cette thématique a fait l’objet de nombreuses reprises.
Le vampire est une figure hautement codifiée, qui évoque un certain érotisme. Ainsi, le tableau de Munch retranscrit l’idée d’une femme dominatrice, une « mangeuse d’hommes », au sens propre, comme au figuré. Il n’est pas anodin que Munch ait choisi de représenter ce vampire sous les traits d’une rousse. En effet ces cheveux tombants sur les épaules semblent presque couler, suggérant du sang.
Or, il est possible de mettre en parallèle cette idée avec l’histoire des menstruations des femmes du XIXème siècle. En effet, dans un article disponible sur clio depuis 2006, Jean-Yves LE NAOUR (docteur en histoire, spécialiste de la Grande Guerre, a consacré sa thèse à la morale sexuelle en 14-18), et Catherine VALENTI (docteur en histoire, spécialiste dans l’étude des élites universitaires et médicales), montrent à quel point la question des règles est révélatrice d’a priori tout autant masculins que médicaux. Le discours des médecins d’alors ne fait qu’apporter une caution qui se veut scientifique à la perception de la femme comme une éternelle malade, étroitement soumise à son destin biologique. De plus la question des menstruations étaient la cible de tout un imaginaire qu’Yvonne Verdier dans son ouvrage Façons de dire façons de faire (aux éditions Gallimard, 1979) retranscrit. Chargée de recherche au CNRS, elle avait participé à l’enquête ethnographique collective sur le village de Minot (Côte-d’Or), organisée par le laboratoire d’anthropologie sociale du Collège de France, de l’E.H.E.S.S. et du CNRS. Le but de cette enquête était d’établir des parallèles, des relations entre les femmes en temps qu’individus (gestes, propos, fonctions) et les femmes en temps que « corps », liées tout particulièrement au temps. Elle aborde dans cette enquête la question de la femme rousse, vectrice de mythes, notamment à propos des menstruations.
Guillaume Lombard propose une fiche de lecture de cette ouvrage, sur le site carmina. Le site carmina rassemblent des musicologues, des psychothérapeutes et se propose de réfléchir autour des notions de mémoire et de paroles, de mythe et de chants. Sur le site de Persée est aussi disponible un compte rendu de l’ouvrage d’Yvonne Verdier, par Geneviève Calame-Griaule, paru dans la revue L’Homme (1981, vol. 21, n° 1, pp. 124-125), revue d’anthropologie générale crée par Claude Levis Strauss.
Ainsi, cette oeuvre de Munch est hautement représentative de ce que les femmes rousses pouvait véhiculer dans l’imaginaire collectif.
Jean-Jacques Henner, un peintre qui savait apprécier les rousses
avril 13, 2012 § 2 Commentaires
« On plaît aux femmes par un mot, ou on leur déplaît pour toute la vie. C’est le premier mot prononcé qui décide de tout. »
Jean Jacques Henner, 18 novembre 1884
Jean Jacques Henner est un peintre de la seconde moitié du XIXème siècle, qui suivra une carrière officielle, grâce notamment à l’obtention du prix de Rome en 1858 et à un séjour de cinq ans à la Villa Médicis. Cependant, bien que reconnu de son vivant, son oeuvre peut remettre en cause un parcours purement académique comme l’explique le site du musée national Jean Jacques Henner, dont la directrice de publication est Marie Hélène Lavallée, Conservateur général du Patrimoine, et directrice du musée.
L’exemple du peintre Jean-Jacques Henner pour ce qui est de la représentation de la volupté de la femme rousse me semble tout choisi. En effet ce peintre semble louer la rousseur chez la femme, dont on retrouve une représentation récurrente.
On a une exaltation de la beauté rousse dans toute son oeuvre, et au-delà de la rousseur, de la longue chevelure féminine. Le blog Jean Jacques Henner Intime, propose d’ailleurs parmi plusieurs billets très intéressants celui « Henner et les femmes, les chevelures d’Henner ». De plus, y est mis en lien l’interprétation offerte par le blog wordpress Je veux une rousse de La dormeuse (voir ci- dessous), de Jean-Jacques Henner, ce qui permet d’asseoir le sérieux de l’analyse offerte par cette blogueuse amatrice. Les textes du blog Henner intime sont rédigés par Diane Drubay, experte en communication muséale et culturelle en ligne et nouveaux médias (jolie rousse!) sauf indications contraires, avec l’aide de Claire Bessède (conservateur du Patrimoine au musée national Jean-Jacques Henner).
Si beaucoup de ces figures féminines sont rousses, c’est parce qu’elles sont liées à la figure de Juan Armani, peintre italienne à la chevelure rousse qui admirait beaucoup le peintre et pour qui elle posa. Le blog J-J Henner relate des anecdotes quant à sa personne. Mais on ne peut restreindre sa « lubie » de la rousseur au simple fait qu’il eut un jour un modèle qui était une femme rousse. En effet il me parait intéressant d’évoquer un autre tableau de J-J Henner qui révèle une véritable passion pour la rousseur: celui de la Chaste Suzanne.
Jean-Jacques Henner, La chaste Suzanne, 1864, Huile sur toile, 185×130 cm, Paris, Musée d’Orsay
Ainsi, la nudité de Suzanne frappe ici parce qu’elle est mise en opposition avec la chaleur du drap rouge orangée qui vient rehausser cette chair pâle. Ici, bien que Suzanne soit brune, cette prédominance du drap ne peut que nous rappeler les multiples tableaux d’Henner où il se plaît à représenter la rousseur; ce drap semble presque faire échos aux longues chevelures comme celle de La dormeuse par exemple, ou encore de Rêveries, disponible sur notre flickr.
Jean Jacques Henner est donc un apôtre de la rousseur, dont il se sert pour rehausser ses modèles aux allures de statues antiques, respectant les codes académiques d’une beauté idéale. La rousseur donne vie à ses femmes, en reflétant chez elles un aspect érotique.
La représentation de Diane : De la pureté à la sorcellerie..
avril 13, 2012 § Poster un commentaire
Aly ABBARA (Gynécologue,Obstétricien et professeur), nous donne dans cet article l’histoire, ainsi que les attributs de Diane. On peut y lire que c’est la déesse de la chasse et de la nature, elle est belle, chaste, vierge et farouche. Elle est souvent représentée avec peu de vêtements, avec un arc et des flèches et accompagnée soit d’une biche, d’un cerf, d’un chien ou alors avec un cortège de nymphes et d’océanides. On peut alors prendre comme exemple ce célèbre tableau de Titien : Diane et Actéon qui reprend l’une des histoire de Diane.
Mais ce qui nous intéresse le plus c’est de voir que Diane peut être représentée rousse, même si cela est assez rare. On la voit rousse dans ce tableau ( peintre inconnu ), ou encore sur cette Mosaïque de l’époque romaine et dans l’oeuvre de Daniel Seiter: Diane auprès du cadavre d’Orion.
On peut alors s’interroger sur cette iconographie. En effet on retrouve sur le site Persée un article de Vladislava Lukasik (professeur a l’Université Lomonosov à Moscou) datant de 2006 qui traite du sujet de la déesse Diane, son mythe et sa représentation tout en se posant la question de son charme envoûtant à travers l’Ovide moralisé. En effet si elle est liée premièrement à la chasteté, deuxièmement à la fécondité grâce a son rapport avec la Lune, notre déesse aborde selon l’auteur une troisième caractéristique : la sorcellerie. On peut lire que Selon Nason, lors de la bataille avec les Titans, que Diane se serrait transformée en chat, race féline en rapport avec les sorcière. Cependant l’Ovide moralisé l’aurait plutot transformé en biche.
On peut alors supposer que les artistes se serraient influencés des différentes caractéristiques de Diane pour la représenter. En effet la rousseur de la chevelure beaucoup été associée aux sorcières au moyen age.
La petite mendiante rousse, ou l’évolution du statut de la femme rousse
avril 6, 2012 § 1 commentaire
Emile Deroy, La petite mendiante rousse, vers 1843 – 1845 , H. : 46×38 cm, Paris, Musée du Louvre
Emile Deroy est un artiste méconnu du XIXème siècle qui ne fait pas l’objet d’une documentation abondante. En effet, ce peintre est mort jeune comme l’explique Jérémie BENOIT, conservateur du musée national du château de Versailles, dans un article disponible sur le site histoire-image.org. Ce site est réalisé en partenariat avec la Direction générale des patrimoines réalisé à l’initiative de la Réunion des musées nationaux – Grand Palais, du ministère de la culture et de la communication, du ministère de l’éducation. L’article offre donc une description, une analyse et une contextualisation du portrait de Baudelaire peint par Emile Deroy, ce qui me permet d’avancer le fait que le peintre n’est connu qu’à travers la figure du poète avec qui il entretenait une amitié. Il convient donc de mentionner l’article de Jean Ziegler: Emile Deroy (1820-1846) et l’esthétique de Baudelaire, publié dans la Gazette des Beaux-Arts dans le numéro mai-juin 1976 et qui semble être la référence au sujet du peintre, article qui n’est malheureusement pas disponible en ligne. Cependant sont disponibles sur les serveurs scolar et persée des articles en lien avec Emile Deroy, mais toujours rattachés à la figure de Baudelaire.
En ce qui concerne ce tableau, il semblerait que ce soit la représentation offerte par Deroy de cette figure féminine qui ait inspiré Charles Baudelaire pour son poème (disponible sur le serveur wikisource) portant le même nom. Ce poème prend place dans la partie des tableaux parisiens du recueil de poèmes Les fleurs du Mal.
Pour moi, poète chétif,
Ton jeune corps maladif,
Plein de taches de rousseur,
A sa douceur.(…)
Que des nœuds mal attachés
Dévoilent pour nos péchés
Tes deux beaux seins, radieux
Comme des yeux
Ainsi Baudelaire aurait fréquenté une jeune fille à qui est dédié son poème comme nous l’expose un professeur de français dans le cadre d’un commentaire de texte à destination de ses élèves. Si l’identité de ce professeur reste inconnu, l’analyse synthétique fournie offre une bonne approche du poème. Cette approche peut aussi se faire en chanson, car le poème a été mis en musique notamment par le groupe La Tordue, groupe de rock indépendant qui s’inspire de la chanson réaliste populaire.
Mais qu’en est il de notre petite mendiante rousse? Qui est cette jeune fille au visage de glace cerclée de boucles de feu? Que veut dire ce regard fier, défiant, presque provocateur? A la lecture du cartel que le musée du Louvre lui attribue, il semblerait que cette jeune femme (jeune fille?) soit une chanteuse des rues, issue donc de la classe populaire. Il est intéressant d’observer la touche du peintre, une touche libre, généreuse. En effet c’est par cette touche vigoureuse, dans ce rendu de la matière que s’exprime toute l’humanité de cette figure fluet.
Cette « vie » que retranscrit l’oeuvre de Deroy date de 1843: c’est l’apogée du romantisme. Un site du CRDP (Centre Régional de Documentation Pédagogique) de l’académie de Rouen offre une vue d’ensemble de ce mouvement artistique majeur du XIXème siècle. Les auteurs, Catherine Bastard (professeur de lettres, responsable du service éducatif des Musées de la ville de Rouen) et Alain Boudet (professeur d’art plastiques) souligne l’exaltation des sentiments, domaine d’inspiration principal des artistes romantiques. Mais ce qui caractérise aussi le romantisme c’est un engagement politique prononcé, un nouveau rapport au statut de l’artiste qui se voit investit d’une mission d’ordre social. Cela peut être appuyé notamment par la peinture d’histoire, et révèlent des artistes engagés dans les problématiques de leur temps.
Dans ce contexte, La petite mendiante rousse de Deroy prend tout son sens: faire le portrait d’une jeune femme issue des classes populaires est déjà un engagement politique en soi, et peut donner un sens à son regard fier presque provocateur. L’art devient le miroir d’une réalité sociale. De plus, la chanteuse de rue qu’il choisit de représenter est rousse et cette caractéristique a surement incliné le choix du peintre à la représenter elle plutôt qu’une autre: ce choix est provocateur si on s’en tient à l’histoire des femmes rousses. Tout comme Baudelaire qui célèbre la beauté de son amante rousse, ce tableau célèbre une femme, de petites conditions, rousse.
L’évolution du statut de la femme rousse réside dans le fait qu’on leur accorde une visibilité, une importance au XIXème siècle. Les artistes romantiques vont contribuer à véhiculer une nouvelle image de la femme rousse durant tout le siècle: celle d’une femme charnelle, que l’on désire.
La représentation de la rousseur de Jésus en peinture
avril 6, 2012 § Poster un commentaire
D’après l’article tiré du site de Xavier Fauche (scénariste de bandes dessinées, producteur, réalisateur de radio, essayiste, romancier et gérant de société), on apprend que David est une préfiguration du Christ. Comme nous l’avons vu précédemment, David est représenté roux en peinture. Quand on consulte un article écrit par l’Association Parole Certaine, on comprend que Jésus est le « Fils de David ». Cette association d’obédience protestante, propose une certaine lecture du Nouveau Testament afin de comprendre l’origine de cette expression. Il est expliqué, qu’au fil des saintes écritures, Jésus est considéré comme le Fils de David pour plusieurs raisons. Tout d’abord, on sait que le père terrestre de Jésus est Joseph, mais Joseph n’est autre qu’un descendant de la lignée royale du roi David, qui vécut dix siècles avant Jésus. De plus, dans les prophéties de l’Ancien Testament on peut voir écrite cette expression : »Fils de David ».
Donc, si l’on s’en tient à ces sources, et que l’on se rappelle la représentation de David roux, on ne peut que comprendre pourquoi Jésus est lui aussi représenté roux. On pourrait d’abord trouver cela étrange, car la chevelure rousse n’est autre que le reflet d’un pacte avec le diable qu’aurait fait l’individu roux. Ce fait est clairement expliqué sur ce site. L’article Rousseur et Cécité : La divine embauche, explique très justement l’aspect diabolique qui plane au dessus de la rousseur. Néanmoins, la rousseur de certains »bons personnages » n’est autre que la discrimination positive dont sait faire preuve Dieu, afin de toujours rendre justice aux hommes. La rousseur de Jésus ne serait donc que positive, et ne ferait que le rapprocher toujours plus des Hommes.
La représentation de Jésus, est depuis longtemps,source de discorde. Quand on prend le cas de Maria Valtorta, on comprend tout de suite pourquoi. En effet, cette femme aurait bénéficié pendant une très longue période, de visions de l’Évangile, qui lui aurait permit de faire des descriptions très précises de Jésus. Elle a donc écrit l’Évangile tel qu’il m’a été révélé, et propose une lecture plutôt personnelle des saintes écritures. Jésus a toujours été décrit de bien des façon, mais le Jésus des catéchèses, est d’un »châtain étincelant de blond roux ». Cette description est celle d’un Jésus plus »contemporain », on peut donc mettre cela en lien avec la rousseur d’autres personnages biblique qui ne survient que plus tardivement, comme dans les précédent articles.
Lorsque l’on se penche sur plusieurs œuvres, telles que Le Christ apparaissant au Jardinier à la Madeleine, de Agnolo Bronzino ou encore Le Baiser de Judas, de Cimabue, on voit clairement l’impact qu’à eu cette description en peinture d’un Jésus Roux. Ici, il n’est pas question d’un Jésus roux maléfique, il est toujours représenté de belle apparence, et sa chevelure flamboyante prouve bien cette »discrimination positive » dont on parlait plus tôt. On peut maintenant s’attarder sur la fresque La Cène de Léonard de Vinci. Cette fresque se trouve dans le réfectoire de l’église Santa Maria delle Grazie et devait autrefois inspirer les religieux lors de leurs repas. Cette fresque commandée par Ludovico Sforza représente le Christ et ses apôtres. C’est alors que l’on remarque que le Christ lui même et bon nombre de ses apôtres son roux. On peut lire dans l’ouvrage de Dmitrij Sergeevič Merežkovskij : Jésus Inconnu, que Jésus est bien décrit comme un personnage roux. Cet auteur Russe du XXe a écrit de nombreux ouvrages sur Léonard de Vinci et le Christ. Ses ouvrages sont très célèbres et permettent d’avoir une autre lecture quant à la représentation de Jésus sur cette célèbre fresque. En regardant l’œuvre, on voit clairement cette chevelure rousse et légère qui se détache nettement du ciel.
En conclusion, malgré le fait que la rousseur soit généralement un attribut péjoratif pour désigner un être mauvais (cf : article sur Judas), nous avons également vu que la rousseur de certains personnages comme David et Jésus traduisait une force de caractère et une grandeur d’âme.